samedi 30 août 2008

Crystal Antlers :: Crystal Antlers EP

Touch & Go / 2008
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Indécis, il maintient le doigt au dessus de l'imposant bouton rouge. Quelques perles de front viennent s'abattre sur la gaine de plastique maintenue ouverte par sa main gauche. La salle bave d'excitation tandis que les murs suintent d'angoisse.

Les 7 pages du traité de fin du monde étalées sous ses yeux l'observent d'un air décidé. Sa main droite tremble à n'en plus tenir. Elle se contracte en poing, les ongles mordant la chaire de crispation. Son bras se lève.

Les langues ne savent que dire. Elles se sont répandues sur le monde en tant d'ineptie et d'inutile. Le temps est venu de mettre un terme au cynisme humain. De révéler sa nature profonde. De s'émouvoir devant la plus grande aptitude de l'homme.

La main du président s'abat sur le bouton honni d'un coup sec.

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samedi 9 août 2008

The Dresden Dolls :: Yes, Virginia...

Roadrunner Records / 2007
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Un vieux bar en zinc. Un piano adossé au mur. Des percussions éparses. Une femmes aux cheveux cours, seule au centre du tripot, tachée aux joues de maquillage blanc, les yeux soulignés d'un noir profond.

Le barman pose le verre qu'il astiquait et vient s'asseoir au piano. Les généraux tournent leur regards intrigués vers la scène. Le barman se lance dans une mélodie épique sans reprendre son souffle, les notes courent, rebondissent, virevoltent. Seul le rythme des percussions semble capable de les rattraper.

Elle s'avance alors. Sa voix se met à jongler avec les notes, à zigzaguer entre les croches, à avaler les soupirs. Avide de vie, de joie, d'amour. Les gens d'armé qui l'entoure sentent sa volonté, sa ferveur, sa liberté.

Les lumières s'éteignent, les notes continuent à résonner. Sa voix se fait plus douce. Les souvenirs remontent le long de la gorge et commencent à gonfler. Souvenir des rencontres, des victoires, des espoirs qui ont menés jusqu'ici. Les percussions y vont de plus belle disputant sa place au piano. Et sa voix monte encore plus haut, plus loin. Et s'achève dans un dernier accord.

Les armés sont en pleure alors qu'elle se démaquille.

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The Offspring :: Ixnay on the Hombre

Columbia / 1997
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L'enfant arrive à se libérer de la main de son père. Trop de sermons, trop de vérité, trop de tabous. La vie se fait trop attendre dans la maison de famille. Et toujours ces mêmes tronches qui habillent ses jours. Fini.

Moteur. Descente sur la ville. Un bus au vol, quelques noms de rues, et sa vie commence. Tripots mal famés, gare, quartiers de prostituées, ruelles sombres, cave improvisées en salle de concert, libraires et cette agitation qui lui tend les bras, la ville est là, sous ses pas.

Pas après pas, ses sentiments, si longtemps anesthésiés, refont surface. Haine, tendresse, force, différence, attirance pour les autres et dégout sitôt. Il est seul juge. Il navigue à cœur ouvert. Loin des a priori de ses pères. "Heaven's so far away", lui hurle la ville. Si loin de la vérité toutes ces années.

La seule vérité qui lui reste est celle-là : "I choose".

Wax Tailor :: Tales of the Forgotten Melodies

Lab'oratoire - Under Cover / 2005
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Coiffé d'un chapeau melon il entre dans la pièce. Le film vient juste de commencer. Il monte sur le côté de la scène et attend. Lorsqu'elle apparait à l'écran, il s'avance doucement vers elle.

Une pluie légère s'abat sur les rues de New York. Les voitures aux lignes arrondies avancent paresseusement. Leur balade piétonne est rythmée par ses talons qui attaquent les trottoirs sans ménagement.

Elle se penche à la rambarde d'un pont. La pluie balaie ses doutes, il s'approche, soulève ses long cheveux de sa main gauche et entoure sa taille de sa droite. Elle le regarde, curieuse, comme si l'histoire n'était pas encore écrite, et se laisse embrasser langoureusement. Un jazz-band rythme leur baiser d'un air léger qui fait fuir la pluie.

Un taxi s'arrête au milieu du pont, la porte s'ouvre et elle s'y engouffre.

La musique ralenti, le violon et la flute concluent la scène et il descend timidement de la scène. Il s'apprête à sortir de la salle quand l'envie de se retourner lui attrape l'épaule, il arrive à entrevoir son nom sur le générique et à noter son numéro. Avec un peu de chance, il rattrapera le taxi.

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The Mars Volta :: De-loused in the Comatorium

Umvd Labels / 2003
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Un air sec souffle sur le lac. Lorsque le premier tank s'engage sur le sable qui borde l'eau, les pécheurs ne relèvent pas la tête. Son approche à pas de chenille et le bruissement des vaguelettes sont alors troublées par quatre hélices qui vrombissent au dessus du paysage.

Les yeux, d'abord pris de surprise, s'écarquillent de peur lorsqu'une première famille vole en éclat sous la charge d'un obus. L'explosion coupe même le souffle au vent.

Les gravas encore bouillants se mettent à trembler. Une main d'enfant écarte d'un mouvement sec du poignet plusieurs kilos de terre, branches et racines. Il s'extrait des décombres, soulève l'obus échoué à quelques mètres, ferme un œil quelques secondes, et décoche l'hélicoptère en plein vol.

L'armé sortie du bosquet environnant braque tous ses canons vers cette petite tête. Le soleil doux de cette fin de journée est alors submergé par une pluie de violence. La seule pluie que sait créer l'homme. Une pluie de mort.

L'impact à creusé un sillon dans le paysage et l'eau du lac commence à s'y déverser. Le temps ne bouge plus. Tous les yeux rouges sont braqués vers cette eau qui empli petit à petit le cratère. Un corps flottant. Au moins un bras ou quelque chose. Pourvu que l'on soit débarrassé de l'autre.

L'autre qui n'a de sens que mort. Qu'annihilé. Que la raison du plus fort parle de toute sa voix. Qu'elle taise le reste.

Une lumière se met à briller à la lisière de l'étang, se concentre en son milieu, et monte au ciel en emportant toute la violence humaine, dans un cri d'enfant, un cri de la nature, un cri strident. Un air sec souffle sur le lac. Les pécheurs sont venus en famille enseigner l'art de la joie aux petiots. Une couverture est tirée et la table est servie.

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Joy Division :: Unknown Pleasures

Rhino Records / 1979
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Le fil vibre. Supendu aux extrémités du monde, il tangue de plus en plus. Une forme est en train de le traverser. Les bras le long du corps, les yeux portés au loin, ses pas avancent avec la confiance du funambule. L'oscillation du fil amplifie à chacun de ses pas, faisant aller et venir les montagnes grises qui s'étendent à une centaine de mètres en contrebas.

Au confin du monde, ne reste que l'obscurité et ce sifflement de va et vient.

La silhouette suspendue est d'une stature élancée. Elle brise la nuit à grandes enjambées, elle se précipite. Vers l'autre extrémité. Vers la libération. Vers la fin. "She's lost control".

Délibéré, ce choix de traverser la vie la mort au ventre. S'approcher du centre de la vie en en arpentant les limites. Atteindre le bout de la nuit. Découvrir ses plaisirs inavouables. Et ne plus en revenir.

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samedi 26 juillet 2008

Idlewild :: The Remote Part

Food / 2002
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"If you have the world in your arms tonight", déverse la sono. Rêve chérit par dessus tous. Rêve des plus grands présidents. Rêve des plus petites gens. "Que feriez-vous avec le monde entre les mains", demande le journaliste au lambda. "Un ballon de baudruche, auquel je donnerai de sacrées embardées", répondait Charlot coiffé du képi rouge et noir.

Accoudé, l'enfant souffle. "Est-ce ça le rêve des hommes", s'indigne-t-il. Que ferait-on du monde, en plus, le calme d'une après-midi d'été ne suffit donc t-elle pas ? La richesse des personnes qui habillent nos jours. Le palmarès des sentiments humains. Toutes les différences. Quoi d'autre ?

Lui, il rêve encore. Il a compris. Le soleil l'emplit de joie. Il danse sous la pluie. Se fascine pour le plus petit détail. Écoute et aime sans réserve. Nous aurons tôt fait de tout lui désapprendre. De le ronger d'envies qui ne sont pas siennes. De l'endiguer dans des problèmes dont il se contrefout.

Mais pour le moment, il rêve. Alors laissons-le à son enfance. Certains n'ont en pas eu. Qu'il en profite, qu'il en abuse, qu'il n'en revienne pas. Pour lors, il vit dans un endroit caché. Un endroit d'où l'on part un jour pour voir le monde des hommes et que l'on ne retrouve plus jamais.

Parce que le chemin est noté sur un carte au trésor, et que les hommes ont oubliés les choses simples.

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Guillemots :: From The Cliffs EP

Naïve / 2006
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Le quai est sourd. Seules les vibrations des rails parviennent encore à mes jambes. Pieds rivés à la bordure jaune, ma tête s'est arrêté.

Le vent ne souffle plus. La terre ne tourne plus. Les bouches s'ouvrent autour de moi, leurs paroles n'ont plus de sens. En ont-elles jamais eu ?

"Le train 16842... à destination de Bordeaux... va entrer en gare... quai 2".

La vie elle même ? Ne reste que cette envie de me jeter sous les rails. De m'éparpiller sur la voie. De communier avec le ballast. Tu es partie. Ton odeur ? D'une main trempée j'attrape ma chemise à la recherche d'une effluve. La dernière. Adieu. Vraiment ? Que reste-t-il de nous. Que reste-t-il de moi.

Et si ton départ n'avait rien changé. Si le passé, aussi rêvé qu'il le fut, existait plus maintenant que nous l'avons vécu alors. Ton départ peut-il vraiment cadrer avec la réalité ? Définitivement, non. Mais notre histoire, elle...

Alors merci. Vas te perdre ailleurs. Dans d'autres bras. D'autres draps. Rien, «Tu m'entends ?», rien n'entachera ces moments là.

"Qui a éteint la lumière si longtemps de ma vie", hurle le poste. Qui a éteint l'ennui de mon cœur pour le remplacer par de la lumière pure.

Lumière du passé, tu es mon guide, ma source. Dans tes scintillements s'écrit ma destiné.

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Grand Corps Malade :: Midi 20

Universal / 2006
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"Pour beaucoup la vie se résume à monter dans le train".

La vie. Sulfureuse, paresseuse, désastreuse. La vie et ses rues, ses faubourgs. La vie, ses échecs, ses détours. Le grand voyage.

Paris, Saint-Denis, Lisbonne. Fourmille la ville, brasse les hommes. Cliquetis de tiroir-caisse, cloche de rer, étales des marchés. Tout le monde descend, la matinée est à peine entamée.

"J'ai vu des mots tendres, j'ai vu des mots d'excuse, j'ai vu des gros mots. J'ai vu des mots à prendre, des mots qui accusent et même des mots en trop."

J'ai vu le monde qu'on nous vend. Été comme printemps. La galère, les charters. J'ai vu leurs ornières.
J'ai vu la vie. Je crois qu'elle a sourit. Je crois ça suffisamment. Paris, Saint-Denis, tout le monde descend.

La vie m'habille. La ville m'appelle. Tous les possibles m'appartiennent. D'elles en ailes je survole ma peine. Je survole mon temps. Je file.

Le monde n'est noir que pour ceux qui portent des lunettes de soleil. Au delà, la lumière luit. "J'espère, donc je suis".

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samedi 14 juin 2008

Vampire Weekend :: Vampire Weekend

Xl Recordings / 2008
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La tribu forme le cercle. Les bidons et autres percussions passent de main en main. La lumière du soir brille à leurs surfaces. L'heure du repos est venue.

Les mains s'activent. Les rythmes se lèvent, dansent, s'affolent. Un orgue de fortune, des cordes d'appoint, et les langues se délient. La journée flotte au dessus du feu. Elle crépite des anecdotes des uns et des autres.

Mais notre tribu ne veille pas au coin d'un bivouac perdu de tout. Non. Elle arpente le Bronx, décent la rivière hudson en ferry, joue au foot dans les rues de la grande pomme et sèche les cours de fac. Quatre gars hissés par un buzz incroyable sortent de leur plaines et viennent rafraichir la pop.

On en danse de plaisir.

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Roberto Fonseca :: Zamazu

Enja - Justin Time / 2007
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Un grand soleil traverse la vitre et empli la pièce de lumière. Un piano est à la fenêtre. Ses notes montent les étages et se répandent sur les rues étroites et ombragées. Les pèches et les melons se languissent dans les étales des commerçants. L'heure espagnole est à la sieste.

Une caisse claire, puis un saxophone. Et la musique distille tout en tendresse l'air de la ville. Un chat bondit d'un toit à l'autre. Les rires des enfants tapant la balle résonnent. Les clapotis de la fontaine crépitent. Les touristes déambulent le long des pavés. Les langues se croisent, se rencontrent, se perdent. Les odeurs de cuisine se répandent vers le ciel.

Roberto Fonseca cache beaucoup de ces choses sous son chapeau. Et invite au voyage. Direction Buenos Aires. Et sa douceur de vivre retrouvée.

Tendre et délicate, elle nous attend. Dans le soleil de fin du jour.

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Rage against the Machine :: Rage against the Machine

Sony / 1992
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Le camp cerclé de haut-parleurs est plongé sous un flot continu. Tout n'y est que mécanique, répétition, soumission. Les vitres n'ont pas besoin de barreaux. Les murs de barbelés. Le peuple les porte en lui, les porte sur lui. Un étau de douleur et de soumission.

2000 ans d'histoire. 2000 années d'acharnement sur l'instinct pour bâtir l'organisation sociale. Suprême intelligence, infâme héritage. "Fuck you I won't do what you tell me!"

Les murs couverts de propagande rythment les rues vides d'espoir. Deux pour le prix d'un. Costards cravate. Sourire en coin. Il est temps. Temps de reprendre ce qui nous appartient. Ce qu'ils nous ont volé. Ce qu'ils ont volé à nos pères. D'arrêter de se satisfaire des miettes qu'ils laissent derrière eux. Pour leurs larbins. Leurs chiens.

Depuis trop longtemps la rage bas à nos veines, et nous l'ignorons. L'honneur hurle sa loi, et nous l'ignorons. La vie doit inonder les rues. Le peuple doit reprendre la ville. Les faire payer. Par le feu.

Nous voilà, liberté.

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vendredi 13 juin 2008

Okkervil River :: The Stage Names

Jagjaguwar / 2007
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Un air sec sort du vieux jukebox. Il crépite, saute, hésite. Cymbales, tambourins, orgue, violons, la fanfare s'approche. Et après quelques pincements de guitare, la voilà qui prend la salle. La fumée se dissipe, l'ambiance s'échauffe.

Will Sheff sort une main du jukebox, attrape un micro, y annone sa joie de vivre. Avec tendresse. Avec conviction. Avec rage. Le temps d'une accalmie des cuivres, un piano l'accompagne, suivi par un tambourin. Tous échappés des méandres du jukebox.

Un trompettiste se lève alors du fond de la salle et se joint à l'assemblé du mange disque. Et tous reprennent en cœur cette hymne. Une foule commence à se former autour d'eux et à les accompagner de leurs mains.

Pour le passant du coin, la scène devait être atypique. Une troupe assemblée autour d'un jukebox, dont une main sortait avec un micro, un trompettiste, et toutes ces personnes autour. Et en s'approchant un peu, il a pu sentir la chaleur, et finalement les voir tous, là, tourner dans la mécanique leur vielle mélodie.

À la joie de vivre.

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mardi 3 juin 2008

Pavement :: Crooked Rain, Crooked Rain

Matador Records / 1994
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Le vent s'engouffre par les fenêtres et fait claquer t-shirts et chemises. Les kilomètres d'asphalte défilent paresseusement. La chaleur brille sur le capot du pickup. Direction Californie.

Là, le long de la route, défilent infos locales et vielles légendes dans le poste, signé Pavement. Armés de guitares délurées, de rythmiques aventureuses et de dérision pour seule boussole, ils nous emmènent loin des sentiers battus.

Dissonances,
rythme brisé, puis repris, puis accéléré, paroles ironiques ; Silence Kid ouvre la route de manière grandiose. S'en suivront d'autres chemins de traverses, montées en régime, accalmies piano bar et ballades dans ces vielles villes de l'ouest.

La tête passée par la fenêtre, Pavement nous emmène loin d'ici, très loin.

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samedi 31 mai 2008

Jeff Buckley :: Grace

Columbia Records / 1994
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On l'imagine accoudé à un vieux bar en zinc. La mine grise. Le regard bas. Il vient de quitter son grand amour avec fracas. Après un long silence immobile, son regard pivote vers le barman et ses lèvres commencent à bouger de nouveau.

Il livre alors, sans fioritures, l'histoire de sa vie. Le gout de son malheur. La hauteur de sa désillusion. Mais, au fur et à mesure, l'ironie du sort fend ses lèvres d'un sourire. Sa peine est énorme, mais c'est celle de tous les hommes.

Et c'est sur un air de guitare enjoué qu'il se met a laisser défiler les images de son adieu à la femme de sa vie. Les personnes attablées interrompent leur conversation et se tournent, émues, devant ce grand brun désabusé et sa voix claire. Les passants s'arrêtent devant les portes battantes du bistro. Même les oiseaux cessent de chanter et s'approchent.

Avec quelle douceur il leur conta son histoire, entre folk et blues, nous n'en saurons rien. Mais nombre d'entre eux se souviennent encore des prénoms qui hantaient ces histoires, des sifflets de train et de ces amours perdus.

Amours auxquelles il répondait Hallelujah.

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EZ3kiel :: BARB4ry

Jarring Effects / 2003
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Inquiétante, la forme s'approche. Quelques spasmes lui vrillent les bras. Ses yeux se dilatent d'un coup, puis redeviennent billes dans leurs orbites. Sa bouche féminine s'ouvre à la démesure et se referme sur un sourire. Son pas est lent, feutré. Sa démarche bancale. Son visage s'anime, vibre, et notre reflet s'installe dessus.

Alarme rythmique, voix fantomatiques, bruits du fond des ages. Incantation infernale du monstre des origines qui sommeille en nous. Cruelle, cynique, âpre, elle remonte le long de nos cordes vocales, et vibre au diapason de notre effroi.

EZ3kiel nous révèle à nous même. Difforme, rongé par l'envie, le vice et le temps. Ce voile blanc de la pochette n'est là que pour dissimuler oh combien le mal nous a dévoré. Et cette frénésie n'aura pour obsession que de le lever pour enfin nous révéler notre vrai visage.

Celui de la barb4rie.

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Black Sabbath :: Paranoid

Warner Bros. Records / 1970
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Plus de doutes, nous vivons en enfer. Massacres, élites régnants sans partage, médias bulldozers, argent roi, paraître maître.

Et si nous devions notre monde contemporain à un album, un seul. Si, en entonnant War Pig, Black Sabbath avait libéré les forces de l'enfer sur le monde. Si Ozzy Osbourne en empoignant pour la seconde fois son mégaphone avait réveillé le monstre qui sommeillait dans l'humanité depuis sa naissance.

À moins qu'il n'ai essayé de l'enfermer dans cette prison d'aluminium, comme un génie dans sa bouteille.

Basses et guitares distendues et striardes, rythmiques hilares et diablotiques, et cette retenue avant le chaos.
Black Sabbath est un wagon fou dans la mine. Revirements abruptes, descentes vertigineuses, retours fracassants. Plus sa vitesse grimpe plus elle l'entraine vers les profondeurs.

Sans retours.

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vendredi 23 mai 2008

Dead can Dance :: Within the Realm of a Dying Sun

4AD / 1987
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Il n'aura jamais fait aussi froid qu'à l'écoute de ce Within the Realm of a Dying Sun. Le titre nous avait pourtant prévenu, la pochette effrayé, mais le royaume du crépuscule n'a pas fini de faire des adeptes.

Son étreinte moite, son souffle roque, sa voix sifflante nous rappelle que notre temps n'est pas encore venu, mais qu'il approche à grands pas. En témoigne le feulement de sa cape.

Parce que c'est bien notre tombe qui est ouverte sous nos yeux, et notre ombre qui en sort, à la recherche du jour. Et nous nous allongeons à sa place, le temps de ce disque glacial. Assistant impuissants, à la fermeture du jour au dessous de notre tête.

Claquent les dents de claviers, résonnent les tambours, rebondissent les échos lointains des voix de Brendan Perry et de Lisa Gerrard, pincent les cordes à l'approche du jugement dernier. Pas de repos pour les esprits damnés emprisonnés dans cet étau de plastique.

La foule des morts s'impatiente. Elle nous rappelle à eux. Lentement, leur cri brise la fureur des villes. Surement, ils s'accaparent nos yeux, notre souffle.
Les cloches sonnent déjà notre temps.

Et nous voilà des leurs.

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jeudi 22 mai 2008

Sunset Rubdonm :: Random Spirit Lover

Jagjaguwar / 2007
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Après le magistral Funeral d'Arcade Fire, que pouvions-nous décemment attendre de l'indie ? La réponse s'impose d'elle même sur les premières mesures de Random Spirit Lover : une folie fiévreuse et désarticulée.

Spencer Krug en maître de cérémonie, déjà couronné dans son Apologies to the Queen Mary, du combo Wolf Parade, reviens avec des plans remplis de rythmiques affolées, de claviers édentés et d'une voix toujours aussi portée sur les aigus. Et c'est un prodige.

Difficile d'accès, monté en épingle, dérangeant, mais tellement talentueux, foisonnant, insaisissable qu'il serait dommage de se laisser dissuader par les premières écoutes. The Courtesan has Sung est un exemple (parmi beaucoup d'autres) remarquable de ce talent à débuter par une épure, simples rythmiques sèches, puis de l'égayer par un chant dissonant, et encore, et toujours, claviers, tambourins, jusqu'à épuisement. L'oreille grogne d'abord, puis hurle de plaisir (façons de dire).

2004 a eu ses funérailles, 2007 revient en fanfare les célébrer.

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Portishead :: Third

Island / 2008
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Mais d'où peut bien venir ce gout du trio de Bristol pour le chiffre 11 ? Tous leurs albums comptent déjà ce même nombre de pistes, et ce n'est pas leur retour fracassant qui contredira cette drôle de lubie, 11 ans après NYC live.

L'ouverture de l'album, Silence, n'est d'ailleurs presque qu'une prolongation de l'attente avant le véritable début, celui ou la voix de Beth Gibbons entre en scène. On l'imagine, la clope au bec, trainant son spleen habituel dans les rues de la vielle Londres, la pluie battant les briques rouges des maisons alentours, le regard dur.

Âpre et douloureux, le trio nous reviens avec un album loin du jazz enfumé de ses débuts mais proche de ses préoccupations d'alors. L'identité perdue, l'incompréhension du monde et le mal-être hante les murs de guitares d'Adrian Utley et les rythmiques de
Geoff Barrow (qui a délaissé ses platines).

Changer pour se réinventer, tâche ardue. 2001 les avaient déjà rassemblé, sans suite. Dans les nombreuses interviews que les deux hommes ont donné, on lit que le dégout de la musique à la sortie de Portishead, en 1997, les a orienté vers d'autres projets. Puis, en auditeurs attentifs, ils ont tellement été laissé sur place par certains groupes (Sunn o))), Aphex Twin...) que l'envie de créer est revenue à la charge.

Third, pont lancé entre les peurs du passé et l'inspiration du moment, brille d'un talent étonnant, d'une maitrise stupéfiante. Leur passage au Zenith, hypnotique a souhait, fut grandiose. Il ne reste plus qu'à souhaiter que cette force créatrice donne encore vie.

Et pourquoi pas dans 11 saisons ?

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